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Création Pétrus, Montréal, en deuxième partie de la pièce Son visage exprimant soudain de l'intérêt, 16 février 2007 Nombre de personnages 1 Personnage(s), 1 Homme(s), 1 Acteur(s) | |
Résumé Nous vivons à une époque de médiatisation, de tueries dans des écoles, de suicides endémiques et de ventes records d'antidépresseurs. Cette partition presque sans paroles est une réflexion sur l'absence de sens, de liens et de repères. Un adolescent au profil suicidaire passe sa révolte sous silence devant nous dans sa chambre. Mais le silence est parfois une bombe qui a le pouvoir de détoner au mauvais moment et au mauvais endroit. L'isolement de Christian que la pièce dissèque risque fort de le pousser à l'étape où son désir d'autodestruction, son appel du gouffre et son propre appel à l'aide entraîneront des victimes avec lui.
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- Décor: [Nuit. Chambre décorée] On pourrait même se croire à une autre époque, un autre pays. Et l'on aurait raison. Cette autre époque, c'est l'adolescence, cet autre pays, c'est la masculinité. Et le trouble que les hormones donnent à cet âge douloureux. […]
Il n'y a pas de réfrigérateur, de four, ni de lavabo. Ni de télé d'ailleurs, ce n'est que la chambre banale d'un adolescent troublé.
Une toilette anonyme, sans caractère mais propre trône à côté de la chambre.
L'ordre règne. Rien d'excessif. Le lit est fait, les tiroirs sont fermés. On pourrait presque sentir l'autorité parentale, l'oppression des codes de conduite et de la bienséance. C'est un lit simple. À sa droite, un garde-robe avec un miroir plein pied sur la porte regarde la chambre avec jugement. Un pupitre qui lui, est débordé, débordant. Un sac d'école sur le pupitre. Ouvert. Des livres, des crayons… Les devoirs sont entamés, mais ne sont pas terminés. Puis une commode. Un tapis. Le même style de tapis que tissait Mademoiselle Rasch. Ce tapis ne cadre définitivement pas avec le reste de l'univers que l'adolescent semble vouloir créer en lui et autour de lui.
La décoration de la chambre a quelque chose de banal. Le tout est rempli de contradictions, de promesses d'adultère face au vestiges persistants d'une enfance attardée et confuse. Renié, même. Une grande normalité dans la recherche de l'identification et de la démarcation, de la provocation. Le besoin de reconnaître sur les murs, la violence et la désolation qui habite ses rêves et ses entrailles, de défouler par l'univers des autres, l'inondation indéchiffrable des bouleversements intérieurs. Des posters de groupes rock noirs, violents, une iconographie de fusils, de tatous, d'agressivité urbaine. On voit que Christian ne veut plus appartenir au monde de l'enfance, même si en lui, il y reste coincé.
Un petit aquarium rond sur une table haute. Un poisson. Un de ces poissons globuleux que certains prétendent être issu de manipulations exercées par l'homme. Un poisson banal, rouge, amorphe. Qui tourne bêtement en rond.
Et le silence. Qui lui aussi tourne en rond.
- Indication de production: texte consistant en une seule didascalie. Si à l'origine, cette partition était une suite à la pièce Concert à la carte de Franz-Xaver Kroetz. Elle peut être jouée seule. À la création le rôle de Christian était tenu par une comédienne.
- Caractéristiques des personnages: Christian est âgé de 14-15 ans. Certains de ces adolescents sont solides, à l'aise, émancipés. Pas lui. Il est nerveux, introverti, complexé. Confus. Il s'habille de noir, avec des vêtements amples qui ne laissent aucunement voir ses formes. Il semble plus petit que nature dans sa tenue. Il voudrait bien être quelqu'un d'autre. Il n'est que lui. Le contraste entre ses vêtements et la confiance qui se dégage de lui est flagrant. Son habillement est fait avec goût et recherche. T-shirt avec imprimé d'un groupe de musique à l'univers sanglant, ténébreux. Ou quelque chose du genre. Des vêtements de valeur. Qu'il doit porter tous les jours. Ses parents doivent probablement utiliser d'autorité, de menaces pour qu'il se change et enfile d'autre chose, les journées de lessive.
Physiquement, Christian est rempli de raideur. C'est un ado sans souplesse, tant mentalement que physiquement. Il n'est pas maladroit ou relâché, ou même sale, il est plutôt méticuleux. Sauf pour les livres qu'il ne respecte pas. Dès fois, certains de ces gestes peuvent dégoûter. C'est l'intimité des habitudes, et le manque de respect, d'estime de soi. Son visage est ouvert, il est curieux, son regard réussi à se retirer du sol, de ses pieds. Sa nervosité transperce quelques fois, comme lorsqu'il se frotte les mains sur ses cuisses. Il ne semble pourtant pas dérangé, ni dérangeant. Il semble constamment tourmenté, préoccupé. Le monde intérieur est beaucoup plus présent que la chambre où on le voit évoluer. Le vide en lui est immense. La solitude, insupportable. La violence constante. Il la tourne contre lui. Mais en un rien, il pourrait la rediriger vers d'autres, vers le monde entier.
Extrait « La porte s'ouvre violement. Entre Christian en colère. Il referme la porte comme un verdict sans appel propre à son âge et à ses idéaux. Furieux, il a apporté le monde extérieur avec lui en entrant, apportant ses injustices, son oppression. On ne sait pas s'il en veut à quelqu'un d'autre ou s'il s'en veut à lui-même, mais la violence de ses gestes rappelle l'autodestruction. Il entre, termine son élan dans sa chambre, en rond, sur lui-même mais il n'a nulle part où aller, nulle part où déverser ce surplus, ces émotions qui le submergent. Donc, il s'immobilise tranquillement, son élan s'éteint de son propre chef, ne pouvant s'extérioriser. Il enfouit tout profondément en lui, la violence, l'injustice, l'oppression, la honte même. Il est enfermé dans ses émotions, son sentiment d'injustice, d'incompréhension. Il reste là, debout au milieu de la pièce. La poussière retombe sur les petits crimes de la vie quotidienne. Sur la prison de ses émotions et surtout de l'incompréhension de ces émotions. » À propos de(s) l'auteur(s)
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Philippe Ducros est auteur et metteur en scène. Il a écrit et mis en scène près d’une vingtaine de pièces. Autodidacte, sa démarche reste ancrée dans ses errances aux quatre coins du monde.
À la suite d’une...
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