Le traitement de la nuit [2020]
PUBLIÉE DANS LE RECUEIL À CAUSE DU SOLEIL - LE TRAITEMENT DE LA NUIT, LES HERBES ROUGES, 2021 ; 21,95$
Résumé Léna est venue au monde un jour plein de lumière. Elle ne l’a pas aimé. À la nuit tombante, ses parents, Bernard et Viviane, prennent leur repas en admirant la splendeur de leur propriété qui, grâce aux bons soins de Jérémie, leur nouveau jardinier, les fait se projeter dans un paysage infini. Léna surgit, de retour d’une nouvelle fugue, mais le couple fait comme si de rien n’était. Cette scène se répète et se module au gré de l’obscurité qui révèle des mouvements inattendus au sein du quatuor. Plusieurs récits contradictoires s’inventent au fur et à mesure que la parole se déploie et qu’elle devient de plus en plus menaçante. Pour se libérer d’un patrimoine, écrasant privilège dont on n’a jamais fini de faire l’aveu, Léna et Jérémie projettent de tout sacrifier : père, mère et royaume. Meurtres réels ou fantasmés? La parole a-t-elle le pouvoir de façonner le réel? Extrait « VIVIANE Lui ? C’est Jérémie. Notre paysagiste. Il est formidable. Avec lui tout pousse. Tout prend des proportions. BERNARD Léna l’aimera bien, je crois. LÉNA La quatrième fois que je me suis enfuie de la maison, mes parents ont engagé un paysagiste. BERNARD Ça lui fera une belle surprise, quand elle reviendra. VIVIANE Oh, c’est la quatrième fois, nous avons l’habitude, maintenant. LÉNA Je n’arrête pas de fuguer, comme un chien. BERNARD Léna a tendance à fuguer. C’est la quatrième fois. VIVIANE Pourtant, elle a de l’espace, elle a une belle perspective, regardez. BERNARD Des hectares et des hectares à n’en plus finir. VIVIANE C’est beaucoup de travail. BERNARD Heureusement, nous avons Jérémie. » Revue de presse « Le traitement de la nuit est un oratorio à quatre voix, un tissu de répliques assassines, un cruel règlement de comptes familial. Parmi les protagonistes, citons Bernard et Viviane, les richissimes parents de Léna, qui multiplie les fugues, puis Jérémie, un mystérieux individu à qui les propriétaires, dans leur grandeur d’âme, ont confié l’entretien du jardin. Au fil du repas, la situation s’envenime, les discours des un·es et des autres ne cessent de réinventer le réel, d’imaginer le pire, jusqu’au vertige, jusqu’à ce que la nuit avale tout : Enfin la nuit, déclare Viviane. Enfin il est trop tard. Trop tard pour agir, pour s’agiter, pour espérer quelque chose des heures, pour croire que nous serons capables de dissoudre les malentendus... Dans ces deux pièces émerge une violence indéniable, exprimée de manière plus aiguë que dans celles qu’a auparavant signées Evelyne de la Chenelière. Il y a toujours eu une part d’ombre dans l’œuvre de l’autrice, une conscience certaine de la misère du monde, mais cette dernière n’a probablement jamais été traduite dans une langue aussi incisive. À vrai dire, les personnages de ce diptyque sont parcourus d’un si grand nombre de failles qu’ils acquièrent une dimension mythique, et que leurs destins suscitent des émotions tragiques inévitables. » Christian Saint-Pierre, Lettres québécoises 183, hiver 2021 À propos de(s) l'auteur(s)
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